Contexte 

19 Novembre 2021 - Le 15 novembre 2021, l’Union européenne (« UE ») a adopté une cinquième série de mesures restrictives visant la Biélorussie en réponse à la crise migratoire à la frontière orientale de l'UE

Dénonçant une « attaque hybride », l’UE a sanctionné la Biélorussie pour avoir délibérément utilisé les migrants fuyant le Moyen-Orient à des fins politiques. Pour l’UE, le régime biélorusse a organisé ou facilité le transport de migrants depuis le Moyen-Orient jusqu’à Minsk avant de les forcer à franchir les frontières avec la Pologne et les États baltes, quatre Etats membres de l’UE. Il semble que la Biélorussie ait agit en partie en réponse aux dernières sanctions de l’UE visant la Biélorussie prises en réaction à la répression de l’opposition par le Président Loukachenko en août 2020. En juin 2021, juste avant l’adoption de la quatrième série de sanctions européennes en raison de la répression persistante et de l’atterrissage forcé d’un vol Ryanair à l’aéroport de Minsk, le Président Loukachenko avait menacé de « laisser les migrants et la drogue se déverser en Europe occidentale si des sanctions étaient imposées ». Le 18 novembre 2021, peu après l’annonce par l’UE de sa nouvelle série de sanctions, la Biélorussie a commencé les vols de rapatriement d’une partie des migrants amassés à sa frontière. 

Présentation du programme de sanctions de l’UE visant la Biélorussie

Le programme de sanctions de l’UE à l’encontre de la Biélorussie a été initialement introduit en 2004 à la suite de la disparition de deux hommes politiques d'opposition au cours de la période 1999-2000 et a évolué au fil du temps. Les sanctions ont été renforcées de manière significative en octobre 2020 en réponse à l’élection présidentielle frauduleuse qui a eu lieu en Biélorussie en août 2020, dont l'UE n'a toujours pas reconnu le résultat, et à la répression violente qui s’en est suivie à l’encontre de manifestants pacifiques, de membres de l'opposition et de journalistes. 

Jusqu'au 15 novembre 2021, les sanctions de l'UE à l'encontre de la Biélorussie ont fait l’objet de quatre séries de mesures adoptés par le Conseil de l'Union européenne (le "Conseil") respectivement en octobre 2020, novembre 2020, décembre 2020 et juin 2021. Ancré dans la décision 2012/642/PESC du Conseil (la « Décision du Conseil ») et le règlement (UE) 765/2006 du Conseil (le « Règlement »), le programme comprenait déjà quatre catégories de sanctions, notamment des mesures visant des personnes et des entités désignées, des restrictions à l'exportation et à l'importation, des mesures financières et des restrictions de vol. 

Le programme de sanctions visant la Biélorussie prévoit des mesures restrictives à l’encontre des personnes et des entités désignées à l’annexe 1 du Règlement et notamment :

  • le gel des fonds et des ressources économiques appartenant à, détenus ou contrôlés par les personnes et entités désignées (article 2 du Règlement) ; 
  • l’interdiction de mettre, directement ou indirectement, des fonds ou des ressources économiques à la disposition des personnes et entités désignées ou de les utiliser à leur profit (article 2 du Règlement) ; et
  • l’interdiction de pénétrer sur le territoire de l’UE pour les personnes désignées (article 3 de la Décision du Conseil). 

A ce jour, 166 personnes physiques ainsi que 15 personnes morales et entités (principalement proches du Président Loukachenko, de sa famille et du Gouvernement biélorusse) ont été désignées.

Les sanctions de l’UE visant la Biélorussie comprennent également plusieurs restrictions à l’exportation et à l’importation sur :

  • les armes (article 1 de la Décision du Conseil) et certains équipements énumérés à l’annexe III susceptibles d’être utilisés à des fins de répression interne (articles 1 bis et 1ter du Règlement) ; 
  • les équipements de surveillance des communications énumérés à l'annexe IV (articles 1 quater et 1 quinquies du Règlement) ; 
  • les biens et technologies à double usage si ces biens sont ou peuvent être destinés, entièrement ou en partie, à un usage militaire ou à un utilisateur final militaire, ou aux parties désignées à l'annexe V (articles 1 sexies et 1 septies du Règlement) ; 
  • les biens utilisés pour la production ou la fabrication de produits du tabac énumérés à l'annexe VI (article 1 octies du Règlement) ;  
  • les produits pétroliers énumérés à l'annexe VII (article 1 nonies du Règlement) ; et  
  • les produits à base de chlorure de potassium ("potasse") énumérés à l'annexe VIII (article 1 decies du Règlement). 

En outre, le programme de sanctions de l'UE visant la Biélorussie prévoit un large éventail de restrictions financières, notamment en interdisant : 

  • l'achat, la vente, la prestation de services d'investissement ou d’aide à l'émission de valeurs mobilières et d'instruments du marché monétaire dont l’échéance est supérieure à 90 jours, émis après le 29 juin 2021, par certaines parties répertoriées en Biélorussie (article 1 undecies du Règlement) ; 
  • tout accord en vue d’accorder de nouveaux prêts ou crédits dont l’échéance est supérieure à 90 jours aux parties susmentionnées. Le règlement prévoit toutefois un certain nombre d'exceptions, par exemple pour le financement du commerce légitime de l'UE ou à des fins humanitaires (article 1 duodecies du Règlement) ; et 
  • la fourniture de produits d’assurance ou de réassurance (ii) au gouvernement biélorusse, organismes publics, entreprises ou agences publiques et (ii) à toute partie agissant pour leur compte ou selon leurs instructions (article 1 terdecies du Règlement).

Enfin, à la suite de l'atterrissage forcé illégal d'un vol Ryanair intra-UE à Minsk le 23 mai 2021 pour arrêter le militant d’opposition et journaliste Roman Protasevich et sa compagne Sofia Sapega, l'UE a également imposé des restrictions de vol à la Biélorussie. Il est ainsi interdit aux aéronefs exploités par des transporteurs aériens biélorusses d'atterrir sur le territoire de l'UE, d'en décoller ou de le survoler, sauf en cas d'atterrissage ou de survol d'urgence, ou à des fins humanitaires (articles 8 ter et 8 quater du Règlement).

Renforcement des sanctions de l’UE contre la Biélorussie

L’UE a accepté de modifier le programme de sanctions contre la Biélorussie afin d'élargir les critères d'inscription sur la liste sur la base desquels des désignations spécifiques peuvent être fondées. La décision du Conseil (PESC) 2021/1990 et le règlement du Conseil (UE) 2021/1985 élargissent ainsi les critères d'inscription disponibles pour inclure les personnes physiques ou morales, les entités ou les organismes qui ont été identifiés par le Conseil comme organisant les activités du régime de Loukachenko qui facilitent :

  •  le franchissement illégal des frontières extérieures de l’UE ; ou
  • le transfert de marchandises interdites et le transfert illégal de marchandises faisant l’objet de restrictions, y compris de marchandises dangereuses, sur le territoire de l’UE. 

En outre, la décision (PESC) 2021/1989 du Conseil et le règlement (UE) 2021/1986 du Conseil modifient la portée des restrictions financières en vigueur à l'encontre de la Biélorussie en ajoutant deux exceptions à l'interdiction de fournir des services d'assurance ou de réassurance au gouvernement biélorusse (article 1 terdecies du Règlement). Sont désormais exclues (i) la fourniture de services d’assurance obligatoire ou de responsabilité civile à des personnes, entités ou organismes biélorusses lorsque le risque assuré est situé dans l'UE ou la fourniture de services d’assurance pour les missions diplomatiques ou consulaires biélorusses dans l'UE, et (ii) l'exécution de contrats conclus avant le 25 juin 2021 ou des contrats accessoires nécessaires à l'exécution de tels contrats.

Ces changements sont entrés en vigueur le 17 novembre 2021, le jour suivant la publication des nouveaux règlements et décisions au Journal officiel de l’Union européenne. 

Bien que la liste actualisée des parties sanctionnées n’ait pas encore été publiée, le Haut Représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité a déclaré que la nouvelle série de sanctions toucherait un nombre important de personnes et d’entités. Les nouvelles désignations pourraient viser des fonctionnaires, compagnies aériennes, agences de voyage et d'autres personnes impliquées dans l’instrumentalisation des migrants, comme la compagnie aérienne biélorusse Belavia, à qui il est déjà interdit d’atterrir, de décoller et de survoler le territoire de l’UE, mais qui pourrait, à condition d’être désignée, être empêchée de louer des avions à des entreprises européennes. Certains transporteurs aériens de pays tiers, tels que Turkish Airlines et Cham Wings, ont déjà accepté volontairement de suspendre leurs vols aller simple vers Minsk, ce qui pourrait notamment expliquer pourquoi les dirigeants de l’UE ne se sont pas encore mis d’accord sur la liste actualisée des parties sanctionnées.

Suite à l’annonce du 15 novembre, le Président biélorusse a déclaré qu’il travaillait au rapatriement des migrants qui se sont rassemblés à sa frontière avec la Pologne, suggérant ainsi que les mesures pourraient avoir été efficaces, sans de nouvelles désignations. Toutefois, la situation reste dynamique au moment de la publication de cette alerte. Aussi, les entreprises doivent faire preuve d’une grande prudence et évaluer soigneusement leur risque de sanctions si elles envisagent de faire des affaires en Biélorussie ou avec une contrepartie directement ou indirectement liée au pays.